La boulimie médiatique de Mobutu : un épisode marquant des années 1970 selon Maître Thomas Lwango
Le vendredi 6 septembre 2024, Maître Thomas Lwango, 88 ans et ancien membre des différents gouvernements sous le règne de Mobutu, s’est exprimé sur une période méconnue de l’histoire du Zaïre, où le maréchal Mobutu imposa une politique médiatique stricte.
Durant neuf mois, de 1971 à 1972, Mobutu Sese Seko, alors président du Zaïre, interdit la mention de tout autre nom que le sien dans les médias du pays. Une décision qui, selon Maître Lwango, résultait d’une volonté d’imposer sa domination à travers les canaux de communication, réduisant au silence tous ceux qui pourraient lui faire de l’ombre.
« À cette époque, le nom du maréchal Mobutu dominait les ondes et la presse écrite. Les autres membres du gouvernement n’étaient plus cités que par leurs titres, sans mention de leurs noms propres », se souvient Lwango. Il qualifie cette décision de « boulimie médiatique », une soif insatiable de contrôle de l’image, dictée par ce qu’il appelle « le roi Léopard », une métaphore pour Mobutu.
Selon Maître Lwango, cette période faisait suite à une pression médiatique mondiale contre Mobutu, forçant le dirigeant zaïrois à verrouiller encore plus étroitement les médias nationaux. « Il n’y avait aucune contestation possible de cette décision. Toute voix dissidente risquait de disparaître des ondes », explique-t-il.
Lwango raconte également comment, malgré son alignement en tant que proche collaborateur de Mobutu, il fut lui-même victime de ce système. « Même moi, pourtant classé parmi les meilleurs collaborateurs, je n’ai pas échappé à cette invisibilisation médiatique forcée », confie-t-il avec une pointe d’amertume.
Cet épisode, souvent oublié ou minimisé, a mis à mal les professionnels des médias de l’époque, qui se retrouvaient dans l’incapacité de traiter librement l’information. Il a également marqué un tournant dans la relation entre le pouvoir et les médias sous Mobutu, instaurant un contrôle rigide de la communication, qui allait perdurer tout au long de son règne.
L’analyse de Maître Lwango permet de jeter une lumière nouvelle sur cette période où la centralisation du pouvoir atteignit des sommets inédits, au point d’effacer jusqu’aux noms de ceux qui contribuaient à la gouvernance du pays.
Cet épisode de la presse zaïroise illustre non seulement la stratégie de contrôle de Mobutu, mais aussi la résilience des journalistes et autres acteurs médiatiques qui ont tenté, malgré les contraintes, de maintenir un certain équilibre dans leur traitement de l’information.
Ce témoignage de Maître Lwango, recueilli par BKInfos, offre un éclairage précieux sur les relations complexes entre le pouvoir et les médias sous la dictature zaïroise, un chapitre qui continue d’influencer la perception des médias dans l’histoire moderne du Congo.