RDC : Que dit le code de conduite de membres du gouvernement sur utilisation de l’argent de l’État pour une fin privée?
En République démocratique du Congo (RDC), la gestion des affaires publiques est de plus en plus marquée par des pratiques contraires au Code de conduite des agents publics. Ce phénomène suscite une vive inquiétude de la part de la société civile et des organisations internationales comme l’ODEP, l’Initiative pour la Transparence dans les Finances (ITF) et le Fonds Monétaire International (FMI). Malgré l’existence du décret-loi n°017/2002 du 3 octobre 2002, censé encadrer la conduite des agents de l’État, des violations flagrantes de ses dispositions sont régulièrement signalées.
Des dérives en contradiction avec la loi
Le Code de conduite impose des règles strictes, notamment à travers son article 11, qui interdit aux agents publics de participer à des activités où ils possèdent un intérêt personnel direct ou indirect. L’article 15 proscrit l’utilisation abusive des ressources publiques à des fins personnelles, tandis que l’article 12 exige la déclaration et la résolution des conflits d’intérêts.
Malgré ces dispositions, certains membres du gouvernement et de l’administration publique investissent dans des projets publics ou privés, financent des initiatives commerciales sous couvert de fondations et s’impliquent dans des affaires qui, bien que présentées comme philanthropiques, violent les principes d’intégrité et de neutralité.
Une succession de scandales financiers
Entre 2021 et 2024, plusieurs affaires de détournements présumés de fonds publics ont été mises en lumière. Parmi les plus marquantes, on note les fonds destinés à la lutte contre la pandémie de Covid-19, dont l’utilisation reste opaque, ou encore le programme de gratuité de l’enseignement, où 31 millions de dollars auraient été détournés en 2021.
La construction de maisons préfabriquées pour les militaires et les policiers, sous la supervision de la Présidence, aurait vu la disparition de 10 millions de dollars. L’affaire RAM, concernant les taxes sur les télécommunications, a été l’un des scandales les plus retentissants, avec un détournement présumé de 300 millions de dollars en 2022.
Des projets phares, tels que les Jeux de la Francophonie (324 millions de dollars en 2022) et le projet Tshilejelu (138 millions de dollars en 2023), ont également été entachés par des soupçons de mauvaise gestion. Plus récemment, en 2024, les projets de forage d’eau et l’installation de lampadaires publics ont été pointés du doigt, avec des montants respectifs de 300 et 13 millions de dollars impliqués.
Des sanctions insuffisantes face à des violations répétées
Le Code de conduite prévoit pourtant des sanctions sévères pour les agents publics reconnus coupables de corruption, de favoritisme ou de détournement de fonds. Les articles 16 et 17 interdisent l’acceptation de cadeaux ou d’avantages illicites et prônent une gestion transparente.
Cependant, l’inaction des autorités face à ces violations constitue une barrière majeure. Les enquêtes annoncées sont rarement menées à terme, et les responsables identifiés échappent souvent à toute poursuite. Cette impunité alimente la méfiance des citoyens envers les institutions publiques et affaiblit l’État de droit.
La mobilisation de la société civile
Dans ce contexte, la société civile joue un rôle essentiel en dénonçant les abus et en plaidant pour une meilleure gouvernance. L’Observatoire de la Dépense Publique (ODEP) et d’autres organisations appellent à une stricte application des lois et à des réformes structurelles pour renforcer les mécanismes de contrôle.
Un responsable de l’ODEP déplore que « des agents publics rémunérés par l’État se permettent de détourner des fonds destinés au bien commun ou de concurrencer les citoyens dans le secteur privé ». Pour lui, ces pratiques sapent non seulement la confiance des Congolais envers leurs dirigeants, mais compromettent aussi les perspectives de développement du pays.
Vers une gouvernance transparente et responsable
Pour enrayer ces dérives, des mesures urgentes s’imposent. La mise en place d’audits réguliers, l’indépendance des institutions de contrôle et la protection des lanceurs d’alerte figurent parmi les priorités. Par ailleurs, la digitalisation des processus administratifs et financiers pourrait réduire les risques de corruption et renforcer la traçabilité des fonds publics.
Au-delà des sanctions, il est impératif de réformer en profondeur le système pour restaurer la confiance des citoyens et garantir une gestion rigoureuse des ressources publiques. La RDC ne pourra aspirer à un développement durable tant que ces pratiques ne seront pas éradiquées.
En attendant, les organisations de la société civile et les partenaires internationaux maintiennent leur vigilance, espérant que les autorités prennent enfin des mesures concrètes pour mettre fin à ces violations qui compromettent l’avenir de la nation.