Sud-Kivu : Le gouverneur PURUSI respecte-t-il la loi en attribuant des subventions aux territoires ?
Par Bovick LWABOSHI
Le mardi 12 novembre 2024, le gouverneur du Sud-Kivu, le professeur Jean-Jacques PURUSI SADIKI, a présidé une cérémonie officielle dans la cour du gouvernorat provincial pour remettre des subventions aux entités territoriales, incluant quatre territoires (Shabunda, Kalehe, Fizi, Idjwi) et deux villes (Uvira et Baraka).
Chacune de ces entités a reçu une première tranche de 30 000 USD destinée à financer des projets communautaires, avec la promesse d’une seconde tranche conditionnée à l’évaluation des projets réalisés.
Lors de son discours, le gouverneur a souligné que cette subvention vise à restituer une partie des revenus générés par les impôts et taxes, dans le but de promouvoir le développement local. Il a également annoncé l’arrivée prochaine de rétrocessions nationales et de fonds de fonctionnement, tout en exprimant sa gratitude envers le président Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo pour son engagement envers le développement des provinces de la République démocratique du Congo.
Une initiative controversée sur le plan juridique
Toutefois, cette démarche suscite des interrogations sur sa conformité légale. En effet, la Loi organique n° 08/016 du 7 octobre 2008, ainsi que d’autres textes encadrant la décentralisation, stipulent que seules les Entités Territoriales Décentralisées (ETDs) jouissent d’une autonomie de gestion et de la libre administration de leurs ressources. Les territoires, classés comme entités déconcentrées, ne disposent pas de la même autonomie et ne sont pas autorisés à percevoir des taxes ni à recevoir de rétrocessions, celles-ci étant réservées aux chefferies.
Selon un expert en décentralisation consulté par le média BKInfos, une modification législative sous la présidence de Joseph Kabila a transféré les taxes des territoires aux chefferies dans le but de consolider le soutien politique des chefs coutumiers, qui sont désormais les seuls à bénéficier des rétrocessions.
Des avis partagés
Diedoné Cighoho, spécialiste en gouvernance territoriale, met en garde contre les risques de conflits entre territoires et ETDs, cette subvention directe risquant de violer les principes fondamentaux de la décentralisation. Il suggère que les fonds destinés aux territoires soient distribués dans un cadre comptable strict, plutôt que dans un cadre public, conformément aux pratiques budgétaires.
Les réactions sont partagées. D’un côté, certains responsables territoriaux et députés provinciaux ont félicité le gouverneur pour cet acte inédit. De l’autre, des observateurs, notamment de la société civile de Shabunda, expriment leurs doutes quant à la méthode de distribution des fonds. Ils appellent à un strict respect des cadres législatifs en matière de décentralisation, estimant que cette distribution publique pourrait créer des malentendus et compromettre le fonctionnement harmonieux des ETDs.
Bien que cette initiative du gouverneur Purusi semble répondre à un besoin de développement local, elle met en lumière les défis de la gestion territoriale au Sud-Kivu et pose la question de l’alignement des actions provinciales avec le cadre légal de la décentralisation.