75 ans de la Convention de Genève à Bukavu : Plaidoyer pour une meilleure protection des déplacés internes et des enfants dans les conflits armés

75 ans de la Convention de Genève à Bukavu : Plaidoyer pour une meilleure protection des déplacés internes et des enfants dans les conflits armés

Le vendredi 20 septembre 2024, au Centre d’excellence de l’Université Catholique de Bukavu (UCB), s’est tenue une conférence marquant la célébration des 75 ans de la Convention de Genève.

Cet événement, qui a réuni étudiants, professeurs, chercheurs et journalistes, a été l’occasion de débattre des enjeux juridiques et humanitaires liés à la protection des populations vulnérables, en particulier les déplacés internes et les enfants affectés par les conflits armés en République Démocratique du Congo (RDC).

Parmi les intervenants de renom, le professeur Trésor MAHESHE de l faculté de droits à UCB a livré une analyse approfondie de la problématique des déplacés internes en RDC, tandis que le professeur Thomas FURAHA, de l’Université Officielle de Bukavu (UOB), a mis en avant l’urgence d’une meilleure protection des enfants dans les zones de conflit.

Leurs interventions ont suscité un vif intérêt auprès de l’auditoire, avec des propositions innovantes pour moderniser les outils de protection juridique et humanitaire.

Une lacune législative persistante pour les déplacés internes

Dans son intervention, le professeur Trésor Maheshe a rappelé qu’une proposition de loi sur la protection des déplacés internes, introduite en 2014, n’a jamais été adoptée par l’Assemblée nationale. Ce vide juridique compromet sérieusement les droits des 1,4 million de déplacés internes en RDC, victimes des conflits armés, comme le souligne un rapport récent de l’OCHA.

« L’absence de cadre juridique spécifique expose l’État congolais à des condamnations pour manquement à ses obligations internationales en matière de protection des déplacés », a expliqué le professeur Maheshe.

Le droit international impose aux États une obligation de vigilance et de protection envers les personnes déplacées à l’intérieur de leur territoire. En RDC, les déplacés pourraient légitimement se tourner vers la justice pour exiger le respect de leurs droits.

Maheshe a également souligné l’importance de l’article 70 alinéa 2 de la loi sur la protection des réfugiés, qui stipule que les réfugiés conservent leur statut même après la fin d’un conflit armé. Il a précisé que cet article, bien que respecté en RDC pour les réfugiés, reste insuffisamment appliqué pour les déplacés internes, renforçant la vulnérabilité de ces derniers face aux abus et à l’insécurité.

La protection des enfants dans les conflits armés : un défi à moderniser

Le professeur Thomas Furaha, quant à lui, a abordé la question cruciale de la protection des enfants dans les conflits armés, en se basant sur les dispositions de la Convention de Genève, adoptée en 1949. Il a mis en exergue l’importance de l’article 3 commun aux Conventions, qui s’applique aux conflits armés internes, comme ceux en cours au Nord et Sud-Kivu, et qui protège les civils, en particulier les enfants.

« L’article 13 de la Convention de Genève met l’accent sur la protection des enfants, mais dans la pratique, beaucoup d’entre eux continuent d’être enrôlés dans des groupes armés, séparés de leurs familles et exposés à des violences extrêmes », a déploré le professeur Furaha. Selon lui, les enfants demeurent parmi les premières victimes des conflits, malgré les interdictions claires de leur recrutement dans les forces armées.

Un des moments forts de l’intervention du professeur Furaha a été sa proposition d’intégrer des technologies numériques dans les mécanismes de protection des enfants. Il a suggéré l’usage de plaques de numérotation pour identifier les enfants dans les zones de conflit et des systèmes numériques permettant de suivre leur origine et leur parcours, facilitant ainsi la réunification familiale.

« La Convention de Genève reste pertinente 75 ans après son adoption, mais il est impératif de l’adapter aux réalités contemporaines en intégrant les outils numériques. Cela permettrait de mieux protéger les enfants dans les zones de guerre et d’assurer une traçabilité plus efficace pour les réunir avec leurs familles », a-t-il proposé.

L’évolution nécessaire des mécanismes de protection humanitaire

Les deux professeurs ont insisté sur la nécessité de réformer les mécanismes de protection humanitaire pour mieux répondre aux réalités des conflits modernes, qu’ils soient internes ou internationaux. Pour le professeur Maheshe, la RDC doit impérativement adopter des lois protégeant les déplacés internes et garantir leur sécurité à travers des cadres juridiques clairs et respectés. Quant au professeur Furaha, il a appelé à une révision des approches actuelles pour renforcer la protection des enfants et à l’adaptation des dispositifs de la Convention de Genève aux défis technologiques du 21e siècle.

Les propositions des deux académiciens ont suscité de nombreux échanges parmi les participants, notamment les étudiants en droit, qui ont salué ces idées innovantes pour moderniser la protection humanitaire en RDC. Certains ont même proposé que les recommandations faites lors de cette conférence soient soumises aux autorités nationales afin d’accélérer les réformes nécessaires pour une meilleure prise en charge des déplacés internes et des enfants dans les zones de conflit.

Le professeur Pierrot Chamboule a, par exemple, présenté une intervention sur la protection des détenus, rappelant que les Conventions de Genève restent un cadre essentiel du DIH, mais nécessitent une mise à jour face aux nouveaux défis mondiaux.

 

Marcelin CIRHA, chargé de communication du CICR pour le Sud-Kivu, a ouvert les débats en clarifiant que le CICR ne sollicite pas de réparations pour les victimes de guerre. Il a expliqué que, dans le cadre de la neutralité de l’organisation, son mandat ne couvre pas le volet judiciaire que plusieurs victimes cherchent auprès d’elle.

« Notre mandat n’inclut pas le plaidoyer pour des réparations. Nous sommes focalisés sur l’assistance humanitaire et la protection des victimes des conflits armés », a-t-il rappelé, soulignant les limites d’intervention de son institution face aux attentes des victimes.Il a également souligné les limites d’intervention de son institution face aux attentes des victimes, expliquant que le CICR agit dans le cadre de la neutralité définie par les Conventions de Genève. Son rôle est de promouvoir, diffuser le Droit international humanitaire (DIH) et soutenir les États dans son intégration

 

La conférence organisée à l’occasion des 75 ans de la Convention de Genève a non seulement permis de revenir sur les enjeux actuels de la protection humanitaire en RDC, mais elle a également mis en lumière des propositions concrètes pour moderniser et renforcer les dispositifs existants.

 

 

 

 

 

Janvier Barhahiga

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