Bukavu: Il fait 17 ans depuis les hostilités du colonel Jules MUTEBUSI contre les FARDC.
26 mai 2004, le Colonel Jules Mutebutsi (Cmdt Second/10è Région Militaire) déclenche des hostilités contre les FARDC à Bukavu. C’est le début d’une guerre qui mettra en action les généraux Nabyolwa, Budja Mabe et Laurent Nkunda, et fera plusieurs morts dans la ville
(2/25) Tout part de l’année 2003, lorsque le contexte politico-militaire de la RDC se modifie à la suite des accords de paix de Sun City. Ces accords aboutissent au partage du pouvoir entre les ex-belligérants, notamment de RCD, le MLC et certains groupes Maï-Maï.
(3/25) Toutefois, la logique de 1+4 (1 Président et 4 vice-présidents) pesa fortement sur la cohabitation des officiers militaires et au sein de l’administration publique. Au Sud-Kivu, des lignes de clivage entre acteurs politiques et militaires ne tardèrent pas à se faire jour.
Au Sud-Kivu, la 10è Région Militaire par exemple fut dirigée par un officier du gouvernement de Kinshasa (Général Prosper Nabyolwa, un ex-FAZ récupéré par l’AFDL), secondé par un officier du RCD, le Colonel Jules Mutebutsi.
(5/25) A ce moment-là, la Province du Sud-Kivu est dirigée par le gouverneur Xavier Ciribanya Cirimwami, condamné par contumace courant 2002, à l’instar d’autres officiers du RCD, par la Cour d’ordre militaire de Kinshasa dans l’assassinat du Président Laurent-Désiré Kabila.
Sa nomination pour diriger le Sud-Kivu fut donc un défi lancé au pouvoir central de Kinshasa, agacé de collaborer avec certains politiciens du RCD recherchés pour leur implication dans la mort de LD Kabila. Les ex-officiers du RCD vivaient donc avec la peur d’un jugement.
Début 2004 des soupçons selon lesquelles des caches d’armes seraient localisées dans certains quartiers habités par des ex-officiers du RCD, déclenchèrent de fréquentes opérations de perquisition, menées par la 10è Région Militaire, commandée par le Général Nabyolwa.
La conduite de ces opérations le mit en conflit avec son adjoint, le Colonel Jules Mutebutsi, qui s’y opposa vivement, surtout lors de l’arrestation, le 21 février 2004, d’un officier du RCD (major Jeff Kasongo), chez qui il furent trouvées armes et munitions.
Le Général Nabyolwa procéda au transfert à Kinshasa du Major Jeff Kasongo, sans consulter son adjoint, Mutebutsi. Ce nouveau développement des événements opposa ouvertement Nabyolwa et Mutebutsi, et marqua un début de panique dans toute la ville de Bukavu.
Dans les institutions nationales à Kinshasa, l’arrestation du Major Kasongo mobilisa de nombreux animateurs du RCD. Ils allèrent jusqu’à rédiger une déclaration incendiaire sous forme de mémorandum, relayé par Moise Nyarugabo (porte-parole du groupe parlementaire du RCD).
Nyarugabo menaça de retirer le RCD de toutes les institutions de la transition si l’officier fait prisonnier n’est pas libéré. Dans la foulée, le CIAT fit pression sur Joseph Kabila pour qu’il concède de relâcher le Major Jeef Kasongo, ce qui fut fait le 23 fév 2004.
Dès le retour de Jeef Kasongo à Bukavu, la cohabitation devint difficile entre Nabyolwa et Mutebutsi. Le Colonel Jules Mutebutsi commença par désorganiser toutes les affectations des militaires dans les postes stratégiques de la ville de Bukavu.
Les militaires placés à la Place Mulamba, près de la résidence du Général Nabyolwa, furent éloignés et conduits vers la poste centrale de Bukavu. Ceux affectés aux 2 frontières Rusizi (1 et 2) furent remplacés par des loyaux à Jules Mutebutsi.
Mutebutsi envoya un autre contingent de militaires à l’aéroport de Kavumu, pour parer à toute éventualité. Dans la nuit du 23 février 2004, la résidence du Général Nabyolwa fut littéralement mitraillée et Bukavu fut secouée par des fusillades nourries à l’arme lourde.
Après que la MONUC ait joué aux apaisements, le 26 février 2004, une importante mission en provenance de Kinshasa, dirigée par le Général Sylvain Buki (CEM adjoint/Forces terrestres, issu de la composante RCD) se rendit à Bukavu, enquêter sur l’incident de l’attaque.
A l’issue de l’enquête, Kinshasa décida de remplacer le Gnl Nabyolwa à la tête de la 10è Région Militaire par le Gnl Budja Mabe, tout en gardant le Colonel Mutebutsi comme adjoint. Le Général Buja Mabe décida de poursuivre avec l’opération de fouille des caches d’armes.
C’est dans ce contexte de suspicions, d’insurrection larvée et de difficile reprise des affaires sécuritaires par le Gouvernement central de Kinshasa qu’au soir du 26 mai 2004, le Colonel Jules Mutebutsi déclencha les hostilités contre les FARDC.
Mutebutsi s’attaqua directement aux militaires au poste frontalier de Rusizi I. Après les y avoir délogés, il étendit ses positions militaires dans la ville, près du Marché de Nguba et de Nyawera, alors que les militaires loyalistes se déployaient vers la Banque centrale.
Tandis que les combats se poursuivaient le lendemain dans la ville, les forces de la MONUC tentèrent de s’interposer entre les belligérants pour un cessez-le-feu. Celui-ci parvint à être obtenu des deux parties et Mutebutsi cantonna ses hommes au Collège Alfajiri.
Entre temps, le Général Laurent Nkunda, à la tête de près d’un millier d’hommes armés, annonça « porter secours aux Banyamulenge en voie d’extermination » et vint en renfort à partir de la province du Nord-Kivu. Sa progression fut assez surprenante et rapide.
En 3 jours, défiant les FARDC en poste à Minova, Kalehe et Kavumu, le Général Laurent Nkunda atteignit Bukavu, le 2 juin 2004 et occupa les collines de Karhale surplombant la ville de Bukavu. Le même jour, à l’aube, le cessez-le-feu fut rompu par les troupes de Mutebutsi
Renforcés par les hommes du Général Laurent Nkunda, les militaires de Mutebutsi obligèrent les FARDC à se déployer hors de Bukavu jusqu’au 9 juin. C’est seulement sur pression de la MONUC et du CIAT que les militaires « insurgés » se retirèrent de Bukavu.
Ils laissèrent derrière eux une ville littéralement pillée, le marché central de Kadutu incendié et des dizaines de femmes systématiquement violées. Craignant les représailles, plus de 500 habitants de Bukavu, en majorité des Banyamulenge, trouvèrent refuge au Rwanda.
Là, ils s’affrontèrent à nouveau avec des soldats de la 8è Brigade FARDC, appuyés par la MONUC. Vaincu, le Colonel Jules Mutebutsi et le Major Venant Bisogo se refugièrent au Rwanda, accompagnés d’une centaine de militaires.
Avec Benjamin BABUNGA W