RD-Congo : « Qui peut compter le nombre de personnes tuées ? » Mgr MUYENGO

RD-Congo : « Qui peut compter le nombre de personnes tuées ? » Mgr MUYENGO

Interview 

Un quart de siècle après l’assassinat de Mgr Munzihirwa, dont le procès en béatification est ouvert, « les Congolais continuent à être tués sans que le monde ne proteste », accuse Mgr Sébastien Muyengo, évêque d’Uvira (RDC).

L’évêque vient de faire paraître un nouvel ouvrage intitulé plaidant pour la création d’un Tribunal pénal international pour la RD-Congo.

La Croix Africa : Quelle est l’opportunité de ce énième ouvrage sur les crimes commis en RD-Congo ?

Mgr Sébastien Muyengo : Une énième opportunité oui, on en parle beaucoup et cela devient banal au pays de crimes et des victimes. Encore tout récemment, dans le diocèse de Butembo-Beni, un centre de santé de référence vient d’être incendié, saccagé, laissant des morts – dont une religieuse, docteur Marie-Sylvie – ainsi que des blessés et de nombreux disparus.

C’est la banalisation de la mort, le dénie de l’humanité des autres, et par conséquent le mépris de Dieu, l’auteur de la vie, dont la personne humaine porte l’image. 25 ans après l’assassinat de Mgr Munzihirwa, assassiné alors qu’il était archevêque de Bukavu, qui peut compter le nombre des personnes tuées, des villages incendiés, la quantité du sang coulé ?

Comment contextualiser le combat de Mgr Christophe Munzihirwa 25 ans après ?

Mgr Sébastien Muyengo : Le drame est tel que devant la situation que nous vivons dans l’Est de notre pays, – et l’on commence à craindre que cela n’atteigne l’Ouest –, on ne sait plus que dire et comment le dire. Cela fait plus de 25 ans qu’on a tué Mgr Munzihirwa et les Congolais continuent à être tués sans que le monde ne proteste.

Nous espérions que l’acte ignoble de l’assassinat de grand prélat prophète, témoin du calvaire de son peuple, allait alerter le monde sur le drame qui avait commencé au Zaïre-Congo, mais, c’était sans compter avec l’hypocrisie, sinon la complicité des uns et des autres, que ce soit au sein de la communauté internationale ou de certains acteurs à l’intérieur du pays et du continent.

Pourquoi plaider en faveur d’un tribunal pénal international pour les crimes réputés mondialement commis par les Congolais eux-mêmes ? Les juridictions congolaises ont-elles montré leur limite ?

Mgr Sébastien Muyengo : Il y a trois notes à savoir. D’abord, le projet Mapping (1) n’est pas l’œuvre de Congolais, il est le fruit de l’enquête du Haut-Commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme, concernant « les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la RD-Congo ». Bien sûr qu’il y a beaucoup de Congolais qui sont ici cités, mais on aura du mal à prouver à la face du monde que ce sont des Congolais qui s’étaient massacrés à Kasika, Makobola, Katogota, Kavumu, qui avaient enterré de femmes vivantes à Mwenga. Et Dieu seul sait si ceux qui occupent Bunagana aujourd’hui sont tous des Congolais.

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Ensuite, la grande question qu’on évite de se poser de peur d’être traité de xénophobe, est celle de savoir qui est Congolais et qui ne l’est pas aujourd’hui mais aussi pourquoi on n’organise pas des recensements scientifiques, dignes de ce nom. Le drame que nous connaissons avec notre armée pleine d’étrangers est révélateur de tout le mal que connaît notre pays aujourd’hui. Tant qu’on n’aura pas une armée républicaine constituée des fils et des filles de ce pays l’on peut reconquérir Bunagana, mais on n’aura pas résolu le problème de notre paix, sécurité et intégrité territoriale.

De plus, après la Deuxième Guerre mondiale, il y a eu le procès de Nuremberg ; après le génocide au Rwanda, il y a eu un Tribunal international et le fameux Gashasha, et aujourd’hui encore on continue à poursuivre les présumés génocidaires ; et qu’en Afrique du Sud, il y a eu la Commission vérité et réconciliation, etc. Pourquoi seulement en RDC où de milliers des vies ont été et continuent à être ôtées le projet d’un tribunal international fait-il problème ? Ce n’est pas juste. Allez savoir pourquoi les dirigeants actuels de notre pays qui ne sont pas cités dans le rapport Mapping ne veulent pas s’impliquer dans ce dossier.

Enfin, une autre grande question est celle de savoir pourquoi ce tribunal dont le but est aussi de laver les innocents qui se disent faussement cités dans le rapport Mapping fait-il aussi peur ?

(1) Le Projet Mapping en RDC est une mission d’enquête du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme concernant les violences et crimes de guerre commis sur le territoire de la République démocratique du Congo sur une période de 10 ans allant de mars 1993 à juin 2003, englobant de fait la première guerre du Congo et la deuxième guerre du Congo

Recueilli par Prisca Materanya (à Kinshasa) lacroixafrique

Janvier Barhahiga

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